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du pape ; il eût craint de devenir insensible à l’amour en s’éprenant des statues qu’on érige sur les tombeaux !

Elles devaient persécuter madame Lafarge de toute la haine qu’elles portent au monde ; elles devaient être dévotement implacables, bigotement féroces envers elle ; elles devaient l’achever. Car cette femme personnifiait tout ce qu’elles abhorrent, la distinction et l’intelligence des classes heureuses ; elle était encore humide de baisers, encore embaumée de l’enivrante senteur du luxe et des joies de la vie ; elle respirait l’amour, le sentiment, le génie ! Le monde était rempli du bruit de son nom, des péripéties de son grand drame, et de cet irrésistible ascendant moral qui lui conciliait hautes sympathies, et dévouements à toute épreuve, comme il n’en existe plus dans ce siècle. Comment lui auraient-elles pardonné ?

Au milieu du silence de la nuit, l’image de Marie Capelle leur apparaissait si grande, à ces nonnes tremblantes ; elle les agitait tellement ; elle soulevait en leurs esprits de si terribles doutes ! 357 Les béates demeuraient fascinées, et s’irritaient, et n’osaient s’avouer pourquoi ! Elles n’étaient plus tout entières à leurs mesquines intrigues, à leurs vengeances noires, à leurs monotones prières, à leurs exercices hébêtants ; elles pensaient à leur prisonnière et sentaient combien la femme aimante est supérieure aux autres.

Souvent elles songeaient qu’elles étaient ensevelies, vivantes, dans le linceul de leurs voiles,