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remplir dans les sociétés une mission glorieuse, mission de salut, aussi pénible, aussi dangereuse à exercer que celle des juges. J’estime en effet que leurs grands cœurs étaient bien faits pour s’aimer et se soutenir, comme larrons en foire ; j’estime qu’Orfila tuait aussi habilement, aussi froidement, aussi souvent que M. le juge ou M. le bourreau ; j’estime que les mêmes récompenses et les mêmes peines doivent être le partage des uns et des autres dans le Présent et dans l’Avenir. — Qui revivra, reverra !

Et si quelqu’un me reprochait de parler avec aussi peu de respect de mon doyen mort, je répondrais : « Je ne suis plus un pauvre étudiant. Je suis la Postérité qui ne sait rien dire que le Vrai sur les vivants et sur les morts. Et si j’appelais dans la première rue venue d’une grande ville de France, je ferais paraître sur le seuil de leurs demeures des milliers de familles dont les imprécations s’élèveraient avec les miennes contre l’un des assassins légaux les plus renommés de ce siècle ! »

Et cependant, cet expert, ce docte, cet illustre, le grand chimiste, savait-il exactement ce qu’il faut d’arsenic pour empoisonner un homme, pour empoisonner tel homme, ce qu’il en eût fallu pour empoisonner Mithridate, par exemple ? Savait-il ce qu’en renferment nos tissus, la terre, et aussi les substances chimiques employées par lui ? Pouvait-il affirmer que la science de l’avenir ne donnera pas d’éclatants démentis à la sienne ? Ne rendait-il pas doctoralement une sorte de jugement de