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vaincu, elle s’agenouillât devant la tombe, le seul asile qui pût contenir son immense désespoir. C’est cette Justice qui, sous toutes formes, lui présenta, représenta sa croix. — Croix noire et criminelle dans le présent ; croix blanche, croix glorieuse dans l’Avenir !

Cette croix, ce faix sous lequel elle plia pendant douze années, la portant ou la traînant comme elle pouvait, on la lui remettait sous les yeux à toute heure, en tout lieu ! Tantôt c’était le cadavre de son mari raidi par la mort, les deux bras étendus. — Tantôt c’était un ennemi qui levait les mains à droite et à gauche pour rendre Dieu complice d’une déposition fausse. — Ou bien l’avocat-général, vautour à face humaine, qui secouait frénétiquement sur sa tête les deux manches de sa robe rougie du sang des condamnés à mort. — Ou le vieux code grand ouvert sur la table d’inquisition. — C’étaient encore la poignée du sabre des gendarmes, les regards obliques de la foule qui se heurtaient, les clefs de la prison, les crucifix des religieuses gardiennes de sa cellule, les barreaux entre-croisés…… — Des croix, toujours des croix, emblèmes de souffrance, de mort, de flétrissure momentanée, de vengeance éternelle !

Hélas ! une pareille Justice n’est pas transformable. Conséquence forcée de l’expropriation que tous subissent pour l’utilité de 347 quelques-uns, elle ne disparaîtra qu’avec l’aubaine et l’oisiveté. Suprême consolateur, Travail, oh que ton règne arrive !