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XII

Je travaille comme le semeur qui fait sa meilleure besogne au matin, avant que les autres n’aient ouvert la paupière, juré, prié, savonné leurs souillures de la nuit, rendu leurs gorges et fait à Mesdames leurs épouses toutes les politesses que le devoir exige.

Je me hâte de chanter pendant que l’Aurore baise les eaux de ses lèvres vermeilles, pendant que les vapeurs paresseuses dorment encore dans leurs nids de verdure, pendant qu’il fait frais, pendant que le siècle à venir ne passe encore que le bout de son aile sur la cime des monts.


Je ne le pourrais plus quand les hommes se lèveront en tumulte, se rassembleront, s’étoufferont, cherchant à prouver l’excellence de leurs raisons par l’élévation de leur verbe, répétant à l’envi les vérités pour lesquelles ils me condamnent à présent.

Je ne le pourrais plus. Car je crains le bruit et la foule. Je me tais quand tout le monde cause, je reste en place quand je ne puis marcher de tout mon pas. Je suis comme l’oiseau qui renonce son nid dès que les faucheurs l’ont découvert. — Je ne le pourrais plus !

Je ne le pourrais plus. Car je suis chercheur de vérités, et non pas littérateur au jour le jour, colporteur de rhétorique, promeneur de fausses