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d’ici-bas, devant moi les chants des précurseurs partis pour d’autres cieux ; je resterai suspendu quelque temps entre l’Enfer et le Paradis. Et les douces brises, et les tempêtes noires m’apporteront le bruit que font les ailes des anges et celles des démons !

Mais dans cette nouvelle existence, serai-je absolument heureux, absolument libre ? Hélas non ! Il n’est dans aucun monde de jouissance sans peine, d’indépendance sans sujétion. La monotonie, c’est la triste ressource des caractères impassibles, des intelligences bornées. Celui qui ressent vivement espère et souffre beaucoup plus que les autres. Il me faut accepter les alternatives de ma nature qui me surexcite jusqu’à la fièvre et m’affaisse jusqu’au découragement, qui me rend tour-à-tour esprit ou matière, enfant ou vieillard, impatient ou résigné.

Puisque l’être doit éternellement graviter dans le cycle de l’existence, puisqu’il lui faut toujours se débattre entre le bien et le mal, je supporterai la vie qui m’est faite sur la terre tant que je n’en serai pas trop las. J’en profiterai pour rendre compte à mes semblables de mes impressions vives afin qu’ils ne tendent pas trop les ressorts contraires de leur esprit, afin qu’ils laissent toujours se produire une solution prosaïque, pratique, journalière entre deux contemplations poétiques, passionnelles, infinies.

Hélas ! l’existence est longue, difficile, fatigante, embarrassée. Le chemin n’est pas droit, le but