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262 Sur la lisière de la forêt qui doit tomber se sont répandus les travailleurs des bois.

Hautes sont les futaies, touffus les taillis, vieux les arbres ; mais la persévérance et le génie de l’homme ne connaissent plus d’obstacles. Sur les troncs des grands chênes les cognées retentissent, les scies grincent, les petites et les grandes, celles qui enlèvent des rangées d’arbres à la fois. On promène par les allées un immense fourneau dans lequel la flamme captive ne brûle qu’à la hauteur voulue. Dans les vallées et les coteaux sauvages se sont répandus les piqueurs qui soufflent à perdre haleine dans le cornet aigu, le cornet des carabiniers suisses et des chasseurs de chamois.

C’est une immense hécatombe. Les arbres des druides, les beaux châtaigniers, les charmes au bois noueux, les frênes, les ormes et les bouleaux, les lièges et les yeuses tremblent sur leurs racines impuissantes à prévenir leur chute, puis craquent et inclinent tous ensemble leur feuillage qui va se flétrir. Cette fois ce n’est plus la forêt du divin Shakespeare, la forêt qui marchait contre Macbeth l’homicide, mais c’est la forêt vaincue par le travailleur ; elle reconnaît son maître et s’agenouille devant lui.

Quand les dépouilles de la nature jonchent le sol, on élève un trône de lierre et de pervenche sur un monceau de troncs abattus. La femme du Nord, la Velléda gauloise, y monte dans tout l’éclat de sa beauté. Dans sa main blanche elle