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tant d’une sueur profuse, mes dents serrées, comme un flot de salive qui m’étouffait, et ma cravate se déchirant sur mon cou. Par un effort suprême, j’étendis mes bras vers la fée des éléments et lui dis :

— Gitana, Gitana la belle, Juive, Arabe, Mauresque, Abencerrage, fille des plus belles races d’hommes qu’ait enfantées la Terre, femme de l’Orient, épouse du Soleil ! Si j’étais roi du monde, si j’étais maître des cieux et des eaux, si j’étais le plus puissant et le plus éternel des souverains que puisse imaginer mon âme mortelle, je te ferais asseoir à ma gauche. Je te voudrais nue, sur un lit de flammes de Bengale, sous des rideaux de nuées orageuses. Car je t’aime et je veux ton amour…


VI


Si j’eus le temps d’articuler ces paroles dont la pensée courait sur mes lèvres, je ne sais. Mais déjà je m’étais élancé vers le brasier ardent et ses mille langues vipérines me mordaient au vif. Déjà j’entendais les rires moqueurs des compagnons de la Prophétesse et leurs voix infernales :

« Homme de plat pays, disaient-ils, amant des lunes rêveuses, du soleil enrhumé, des étoiles chlorotiques, va faire des sonnets aux blondes de France, d’Allemagne ou d’Angleterre. Ici l’on chante et l’on danse ; ici l’on boit l’aguardiente qui percerait ton estomac de passereau ; l’on res-