Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/346

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Je suis le vieux ménestrel, l’Apollon en cheveux blancs autour duquel fillettes et garçons se pressent dans les jours de fête. Je suis le Malheur qui fait danser la Joie, la tristesse qui ranime la Gaité, l’aveugle qui conduit ceux qui voient clair.

« Oh ! donnez, donnez au pauvre ciego !


« Ma fidèle guitare, c’est ma maîtresse et ma fille, le seul bien qui me reste sur terre, la sensible, la sonore qui me permet d’échanger mes pensées avec les hommes, la seule corde qui me rattache encore à la vie !

« L’harmonieuse, la merveilleuse ! je lui fais redire tout ce que je veux, à ma guitare fidèle : les sermons des curés et les déclarations des amoureux, les vérités et les contes, les nouvelles et les légendes. Je la fais rire et pleurer ; chez les grands, je modère sa franchise ; chez les petits, je rends ses accords plus bruyants et plus libres. J’annonce la bonne aventure aux jeunes filles et la mauvaise aux maris.

« Oh ! donnez, donnez au pauvre ciego !


« Je chante les combats et l’astre du jour qui les éclaire. Je chante les amours et l’astre des nuits qui leur prête sa discrétion bienveillante. Vous, jeunes filles que j’adorais, je vous chante. Et vous, marguerites des prés, joncs en fleur, flots du Guadalquivir qui les faites éclore… Et toi, ma belle Andalousie, terre de grâce et de bonheur que