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les vieilles générations meurent et ne sont plus remplacés par 186 leurs pareilles ; elles emportent leurs vieux divertissements dans leurs tombes muettes.

La forme s’harmonise avec le fond. Souvent une profonde modification dans les costumes est amenée par une simple réforme dans les modes. Cela se remarque surtout chez les peuples gracieux du Midi. En emprisonnant sa tête brune dans le tuyau de poêle britannique et sa taille cambrée dans l’habit bourgeois, l’Espagne a pris l’engagement d’adopter les mœurs pastorales et régulières de l’épicier européen. Dès ce jour, elle a ébréché la pointe de sa grande épée de combat. Quelques années plus tard, elle a eu des hippodromes, des théâtres italiens et français, des cafés, des concerts, des bals aussi brillants que ceux des autres nations civilisées. C’est la jeunesse qui a rapporté ces divertissements de l’étranger ; c’est elle qui a mis tout son amour propre à les rendre populaires ; c’est elle qui vit d’activité, d’espérance, d’amour et d’avenir.

Est-ce à dire que nos fêtes soient générales, grandioses, animées et joyeuses comme l’étaient celles de nos ancêtres ? Est-ce à dire que nous n’ayons pas à regretter les distractions qui les rendaient heureux ? Non certes. Nous vivons tristes, moroses, philosophes, parcimonieux et atteints d’un spleen endémique ; il y a dans notre cœur un ver qui nous ronge et nous étiole. Nous sommes des hommes de transition placés entre les