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état n’est pas dans la nature ; il est la conséquence d’une mauvaise organisation générale dont les effets naissent, grandissent et sont renversés tous ensemble.

Si l’on y regarde de près on se convaincra que les courses de taureaux sont en voie de décadence, et qu’elles sont menacées de disparaître prochainement malgré tout le luxe qu’elles déploient encore. De même que, sous ses splendides oripeaux, la civilisation cache sa misère et l’imminence de sa ruine.

Déjà la science tauromachique est taxée de barbare et de ridicule. Déjà le journalisme s’élève très hautement contre son immoralité. Déjà beaucoup d’Espagnols ont puisé dans leurs lectures ou leurs voyages une aversion raisonnée pour de pareilles tueries. Déjà les femmes n’osent plus s’avouer aficionadas comme par le passé ; cela pourrait faire douter de leur cœur. Déjà, symptômes bien plus graves, une seule course par semaine suffit aux exigences des populations et les bons matadores manquent.

Aujourd’hui, ce n’est plus tant la rage de voir tuer qui attire les jeunes gens à la funcion, mais l’inoccupation, la curiosité, la magnificence du spectacle, la présence des femmes, le mouvement et le bruit. Il n’y a plus guère que les Castillans de vieille roche qui se passionnent complètement pour la lutte, la jugent bien, la suivent d’un bout à l’autre avec une attention scrupuleuse et se montrent inexorables pour les fautes commises. Mais