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plaisir à attendre l’issue de ce combat plein de hasards.


Que les pegadores portugais, vêtus de rouge, s’élancent résolument à la tête du taureau, qu’ils l’arrêtent en se suspendant à ses cornes émoussées : j’admirerai leur courage et leur force.


Mais qu’à tout prix on ne verse plus de sang, qu’on ne révolte plus notre conscience par une de ces boucheries lâches où, plus barbare que la bête, l’homme s’avance contre elle, sûr de tuer. Il serait désespérant pour notre bon sens et notre imagination de penser que nous ne saurons pas trouver d’autres spectacles plus grandioses, plus riches et moins attristants que celui-ci.

Que l’on fasse cesser toute course de taureaux semblable à celles d’aujourd’hui. L’Espagne n’en sera ni moins grande ni moins joyeuse. N’a-t-elle pas ses danses nationales si ravissantes qu’à les voir seulement les heures fuient comme des secondes ? N’a-t-elle pas ses chants populaires, son hymne de Riego, ses poésies, ses romanceros, son théâtre ? Ne recueille-t-elle pas au Nord les produits de l’Europe, au Midi ceux de l’Afrique ? N’est-elle pas bercée entre les océans et les cieux avec sa verte ceinture d’oliviers, ses filles brunes, ses jeunes hommes nerveux, ses coursiers élégants, les fruits de l’oranger, les fleurs de la grenade ? Que de richesses, de fécondité, de sève et de soleil resplendissent sur son existence !