spectacle m’émeut sans soulever 178 en moi cette impatiente colère qu’éprouve tout homme juste dans une lutte inégale où l’un des rivaux est sûr de vaincre et l’autre de mourir.
Je l’avoue, cyniquement peut-être, mais dans les courses d’Espagne toutes mes sympathies sont pour les chevaux et le taureau, toutes mes haines pour l’homme. Je ne souffre pas quand est blessé le provocateur de ces tueries infâmes, et je pleure quand le cheval traîne ses entrailles après lui, quand le taureau vomit son âme guerrière avec des flots de sang.
Ce sont des animaux, dites-vous ; ils sont destinés aux sacrifices, et chaque jour les bouchers les abattent et les découpent pour satisfaire aux besoins de notre existence.
Hélas, ce n’est que trop vrai ! La science de l’homme n’a pas encore trouvé le moyen d’épargner la chair savoureuse des bêtes, et ses mains sont souillées de la généreuse liqueur de la vie. Mais le temps est un grand maître ; le sein de la terre est toujours fécond, et notre intelligence persévérante quand même. Les jours sont proches où notre constitution sera tellement modifiée que les végétaux pourront former la base de notre nourriture. Notre espèce se rapetisse par le corps et grandit par l’esprit à mesure que la culture élève, embellit, fortifie les plantes et verse dans leurs canaux des sucs plus animalisés. Notre régime est plus végétal que celui des générations qui nous ont précédés, et déjà se discute sérieusement par-