Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tendu résonner entre les blanches dents des filles de Madrid. Il faudrait vivre, sentir, aimer comme ce fier peuple, à la fois le plus sobre et le plus artiste de tous ceux que l’Europe nourrit de son sein fécond.

Je laisse les écrivains que domine encore un étroit amour-propre national renouveler l’oiseuse et éternelle discussion qui doit décider de la supériorité de l’Espagne ou de celle de la France. Ces rivalités ont fait leur temps ; elles sont pour le moins ridicules au milieu des nations qui tendent à s’unir. Elles n’offrent 165 plus d’intérêt aujourd’hui que les coutumes et les langues se confondent, que les hommes correspondent d’un bout du monde à l’autre, grâce aux découvertes du siècle, à d’incessantes relations commerciales et industrielles, au grand nombre et à la rapidité des voies de transport.

Pour moi, gitano du socialisme, enfant de la France par la naissance, mais fils de l’humanité par les actes, j’estime qu’il n’est pas de peuple supérieur, inférieur ou égal aux autres ; mais que tous sont différents et que l’harmonie de l’ensemble résulte de ces diversités. S’il existait une nation qui ne différât pas de ses sœurs, elle n’aurait ni génie ni raison d’être ; elle serait inutile et condamnée, car les peuples inutiles ne vivent pas.

Oh pour le courage, l’esprit, les arts et l’amour, c’est une grande patrie cette terre de feu où combattit le Cid, où Cervantes pensait, où peignit Murillo, où Byron conçut l’idée du plus immortel