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port au cerveau ; végète, comme tu pourras, de la vie quotidienne. Tu ne saurais te sauver que par l’audace de la pensée.

Sois donc vive, téméraire, rapide, ma pensée, comme l’épervier dans son vol ! Jaillis de mes veines ainsi que la lave ardente du volcan déchiré ! Monte, plane, nage, plonge dans l’air sans bornes ! — Et toi, mon corps, mon pauvre corps, à la chaîne, à la chaîne ! ! À table pour manger, à table pour écrire, au lit pour reposer ! Rivé, rivé toujours à la matière inerte ! Toujours banni, toujours sur terre, toujours las de toi-même, toujours lourd, comme un ponton, à la voile tendue de ton âme qui t’entraîne à tout vent !

Ah ! que me parlez-vous des patries de ces temps ! Je suis, je suis l’heureux exilé : mon séjour est au ciel ! !


VII

On m’a souvent fait le même reproche qu’à madame de Staël, à Chateaubriand, à Byron ; on m’a dit que j’avais le style, les pensées et les passions d’un proscrit, d’un homme étranger à sa nation. Je tiens à grand honneur ces médisances, et prie le public de les renouveler.

Oh dites, dites encore ! De grâce que je m’entende appeler exilé ! Répétez que je ne compte plus dans l’illustre population qui grouille sous le clocher de mon village, subissant les caprices du