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New-York. Un ouvrage est écrit dans une langue et traduit dans toutes les autres. L’esprit humain imagine et accomplit tout ce qui peut multiplier ses jouissances.


Que me parlez-vous des patries actuelles, patries égoïstes qui s’isolent de l’Humanité ?

Il n’en est plus, vous dis-je. L’instruction répand de toutes parts les connaissances historiques, la liberté les féconde, l’audace 138 les applique à l’avenir ; le Progrès et la Tradition se font la cour, s’embrassent timidement d’abord, puis y prennent goût et se marient. — La Société renaît à chaque siècle de ses cendres éteintes. — Le Présent, l’enfant qui s’est fait homme, apprend par son expérience propre que les minorités n’ont pas toujours tort, que le Passé n’est pas immortel, que le Temps n’est pas immobile, que l’Avenir venge ! — La Nation pense : elle observe qu’elle s’est élevée sur les ruines de races puissantes et de civilisations gigantesques ; elle s’aperçoit qu’à mesure qu’elle vieillit, l’Humanité dévore plus rapidement la vie des peuples qui conservent sa flamme comme de pieux brahmines. D’où résulte que la Nation ne compte plus sur une existence éternelle, qu’elle n’accable plus de mépris ses sœurs vieillies ou naissantes, qu’elle n’a plus l’étrange prétention d’être la première et la dernière de toutes.

L’homme libre de l’avenir fuira sa vie présente le plus souvent possible. Tantôt il se rapportera