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qu’elle étend ses beaux bras vers son dédaigneux amant.

Toi, Soleil, du haut des monts tu lui souris une dernière fois en heureux vainqueur. Et tu la quittes, plus étincelant, plus séduisant, plus fier que jamais, rougissant dans les haies vives, comme des gouttes de sang, les baies des fruits sauvages, incendiant les arbres, empourprant l’air et l’eau, rieur, tapageur, grand seigneur, insultant par l’éclat de ta magnificence à l’amère douleur de la pauvre délaissée.


Alors accourt la Lune, la femme sage et prudente, mystérieuse, sentencieuse, silencieuse, pleureuse, pieuse, accoucheuse, 112 qui jamais ne se montre que quand le mal est fait. Elle cherche à consoler son amie d’une perte que rien ne répare et ne réussit guère qu’à se rendre importune. Car tu ne réponds, ô Terre, qu’en ronflant à ses soins empressés, et tu t’endors, boudeuse, dans ses bras qui te bercent jusqu’au retour de ton inconstant ami. — Ah que la Bienfaisance, que l’Amitié sont tièdes, ternes comme des cendres comparées à tes flammes, ô tout-puissant Amour !


Mais avant de disparaître dans les profonds abîmes, l’astre voluptueux s’arrête une seconde encore pour baiser sa chère maîtresse sur ses belles dents blanches, sur les glaciers frissonnant, scintillant de tendresse.

Voyez-le passer sa langue de feu sur l’émail