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nuages déchirés inclinent 105 leurs têtes vers les crevasses des monts ; l’air devient plus dense, la matière plus légère ; la terre se fait ciel, et le ciel se fait terre.

Et toi Soleil, tu rassembles leurs baisers comme un aimant vivace. Car tu participes de leurs deux natures ; ton impalpable lumière est des cieux, ta chaleur brûlante de la terre. C’est toi qui vaporise les glaces limpides, c’est toi qui condense les pures vapeurs ; c’est toi que la Révolution toute puissante utilise sans cesse pour faire et défaire son grand travail de Pénélope.


À toutes les heures de ta glorieuse carrière je t’ai regardé, Soleil, j’ai voulu pénétrer les terribles secrets qui dévorent ton âme embrasée. Mais chaque fois a faibli ma vue, chaque fois j’ai ramené honteusement mes yeux vers la terre. Et alors les objets m’ont paru changés de rapports, roulant, tombant, tournant, tourbillonnant, se choquant, s’embrassant dans un désordre affreux. Et chaque fois j’ai fait un triste retour sur le mélange d’argile et d’esprit, de faiblesse et d’orgueil qui constitue mon être. Et chaque fois je me suis adressé ces réflexions humiliantes :

À quoi bonnes ta peine, ta passion, ta curiosité, ton intelligence ? Où marches-tu sans trêve ? Où te conduit ta course à perdre haleine ? Quels monts peux-tu gravir, quels cours d’eau traverser ? Insecte, vermisseau, fragment imperceptible de la poussière des mondes, qu’apprends-tu, que sais-