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portez-moi bien loin dans vos divins concerts ! Cachez-moi, gardez-moi dans vos grottes de cristal ; que les hommes m’oublient ! Vous me connaissez bien. Je suis un homme errant, je suis le voyageur qui vient de l’Occident et qui remonte au Nord, et qui ne saurait 96 s’arrêter plus que vous sur sa route infinie. Je suis le franc nageur épris de vos beautés, qui, deux ans pour vous voir, habita ces rivages, celui qui, confiant, abandonne chaque soir son corps à vos caprices. Je viens vous dire adieu. Consolez-moi, caressez-moi : les hommes m’ont brisé comme un de vos roseaux.

Elles entendent ma voix ; elles accourent des deux rives pour embrasser mes mains ; leur enivrante écume jaillit à mes narines. J’ouvre les yeux, la bouche, et m’élance, en chantant, dans leurs déserts limpides. — Libre alcyon, que de fois je t’ai vu déployer sur la mer tes ailes caressantes !


Qui redira les amours de la vague et du nageur ? Qui pourra faire comprendre notre ivresse infinie quand, perdus dans les eaux, roulant, nous égarant, nous mourant avec elles, nous oublions la terre et le rude contact d’esclaves éhontés !


III

Il est minuit — Salut ! ô Liberté. Dans les villes peuplées les gouvernants s’endorment. Entre