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mes comme aux hommes, aux nobles comme aux gueux. — Les maris pudibonds en défendront la lecture à leurs chastes épouses, et celles-ci le cacheront à leurs innocentes filles pour le garder plus longtemps sous leur blanc oreiller.


Qu’il aille, ce livre !

Mon père le trouvera dépourvu de sens. Qu’importe ! Je suis plus âgé que mon père : j’ai vu davantage, j’ai plus songé que lui. — Les tribunaux le condamneront comme immoral, infâme. Qu’importe ! J’ai plus de probité dans l’âme, de droiture dans l’esprit que les pourvoyeurs de la mort : je ne suis pas lâche, scélérat, assassin, comme les juges très honorés qui revêtent la toge. — La nation française le désavouera. Qu’importe ! Je suis bien plus grand que la nation française, moi qui confonds ma chétive existence avec l’existence infinie de l’Univers. — Les républicains d’Occident le brûleront. Qu’importe encore ! Je suis bien plus jeune que les républicains expirants, moi qui ne saurais adhérer au programme d’aucune secte existante, moi traqueur de vérités, moi qui chaque jour, à chaque heure, modifie mes opinions en les agrandissant, moi qui ne veux pas même prendre d’engagements avec ma conscience et ne saurais répondre de ma libre pensée du lendemain.


Qu’il aille, ce livre !

Tant que durera l’épouvantable décadence pré-