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débarrasse avec joie de son harnais d’esclave dès qu’il rentre chez lui. — Le militaire, encore plus étranglé que nous, sollicite de ces chefs la permission de se vêtir en bourgeois le plus souvent possible.

Dans les sociétés les plus maniérées, on méprise l’homme qui passe sa vie devant un miroir. L’uniformité répugnante de 74 la mode, ses absurdes rigueurs, ses sottes velléités de dictature suscitent chaque jour de nouvelles protestations contre son empire. Chacun tremble de ressembler à son voisin, bien que chacun s’efforce d’imiter tout le monde. L’individu met soigneusement à profit le peu d’indépendance qui lui reste pour signaler ses plus minces tendances originales.

Voyez comme il s’insurge au moyen de cette moustache droite, collée, rattée, frisée, retroussée, vernissée ! Comme il dessine ses allures, sa pose, son regard en traversant les promenades ! Comme il étudie la pointe et le talon de ses bottes, le rebord de son chapeau, l’envergure de son faux-col, ses boutons de chemise, la composition de ses breloques, la fixation de son lorgnon dans le coin de son œil ! Comme il porte volontiers lunettes et postiches, comme il exagère même, à dessein, la simplicité de sa mise ! Et comme la moindre bizarrerie d’une personne excite l’envie de toutes les autres !

Ah ! c’est un bien monotone spectacle de voir défiler dans nos rues l’interminable procession des gens comme il faut ! Combien plus déplora-