Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses lois ; je me réjouis que la compression ne puisse être supportée longtemps par le corps de l’homme non plus que par son âme.

Que les entêtés se résignent ! Toujours l’individu proteste contre les obstacles qui nuisent à son développement. Et dès qu’il se sent assez fort, il brise les chaînes de la Loi, de la Mode et du Préjugé qui le tenaient captif !


Quand j’étais au nombre des vivants et que je fréquentais le beau monde, j’ai vu la COUTUME, la vieille duègne importante et revêche, faisant tapisserie des heures entières, tandis que la jeunesse se divertissait aux quadrilles joyeux. Les petites filles n’en avaient plus peur, les jeunes gens la saluaient avec déférence, de très loin, mais la laissaient en place. Elle s’indignait, fulminait contre les dépravations mondaines, crispait ses mains sèches et passait entre ses dents l’aiguille de vermeil qui lui servait de contenance. À ses côtés étaient plusieurs autres filles laissées pour graine aussi, plus osseuses encore que la Coutume. L’une s’appelait Belle-Manière ; elle avait l’épine dorsale tordue, les jambes déboîtées à force de révérences. L’autre qu’on nommait Pruderie, cachait ses rides fardées avec un éventail jaunâtre. Une troisième, une anglaise rousse, Miss Bas-Bleu, se livrait à d’horribles contorsions en déclamant les vers salpêtrés et tonnants d’un poète incompris. Un vieux célibataire à la tête branlante, à la voix doucereuse, aux insinuations perfides,