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che aux curieux ses regards pudibonds. Étudiez la démarche compassée du pasteur protestant ; voyez venir à vous le pédagogue et le jésuite, les yeux humblement tournés vers la terre ; comptez les pas du notaire calculateur et les bonds de son clerc qui saute les ruisseaux ; examinez le ravissement de l’huissier quand il court opérer une saisie chez quelque pauvre diable ; entendez siffler le marin qui se rappelle les joies et les fureurs de la mer sa maîtresse, regardez comme il se balance sur ses hanches pour suivre le roulis de son navire aimé. Considérez le bourgeois d’Occident ! il a pris le grand deuil, il pleure la bonhomie, la franchise, l’hospitalité, la cordialité, les joies naïves de ses pères à jamais perdues pour lui. Tout est calculé dans son costume : la laine et la soie, le coton et le fil, le crin et le velours, l’honneur et le profit. Quand il prend du galon, il n’en veut pas trop prendre.

Dites maintenant si les costumes ne sont pas en rapport avec les travaux journaliers et les allures favorites ; dites si la mise de l’homme n’est pas chose importante dans sa vie ; dites s’il est possible d’immobiliser la liberté de chacun dans un vêtement fait pour tous ; dites si toutes les réformes ne se commandent pas, de la plus petite à la plus grande ; dites si jamais, dans l’avenir, on taillera les habits sur une guérite ou sur le gentil modèle qu’impose à tout un peuple la cupide imagination d’un tailleur à la mode ?