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celle qu’adorent des femmes métamorphosées en tours de crinoline et des hommes transformés en étuis de riflard !… Voilà ce qu’elle a fait des corps !


Et les âmes, les âmes ! Le plus endurci des anatomistes n’aurait pas le triste courage de décrire la noirceur, la corruption fétide de ces temps. Je ne suis pas bien sûr que l’habit ne fasse point quelque chose de l’homme ; mais ce dont je suis bien certain c’est qu’il en défait beaucoup. Celui qui porte toujours le même costume gênant est forcé de garder toujours la même attitude contrainte, de parcourir toujours le même cercle de connaissances attiffées, préparées, pomponnées, harnachées, guindées, crucifiées comme lui, de toujours gaspiller sa force et son intelligence dans les mêmes conversations, dans les mêmes intrigues frivoles. Le langage et les manières de ces singes à révérences souffrent à la longue de l’état contre nature où est réduit leurs corps. Le moral n’échappe pas plus à cette déformation par la Mode que les muscles, les nerfs, les articulations, les os même qu’elle finit par altérer, courber, ramollir. Quand 60 l’habit tient lieu de cœur, quand l’accessoire prend la place du principal, quand le détail absorbe le tout, l’homme doit bientôt disparaître, enseveli dans un corset et pliant sous un feutre.

La littérature au jour le jour donne une exacte idée des opinions, des réflexions de nos contem-