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54 Je travaille comme le semeur, le bon vivant qui désigne ses compagnons par des sobriquets appropriés à leurs caractères.

Qu’on ne s’étonne pas de me voir ajouter presque toujours des épithètes qualificatives aux noms que je cite. Les appellations actuelles sont héréditaires, elles ne donnent aucune idée de ceux qui les traînent après eux ainsi que des sonnettes ne rendant qu’un son. Il est impossible aujourd’hui de se figurer une personne dont on ne connaît que le nom. À quoi donc bonnes une distinction qui ne distingue point, une dénomination à laquelle nous ne répondrions pas si nos parents, le maire et le curé ne nous avaient enseigné qu’elle doit être nôtre ?

La plupart de nos noms sont comme des outrages, des supplices, des infirmités qu’il nous faut subir. — La belle occasion de s’appeler Auclair quand on est intrépide boit-vin, et Boivin quand on ne vit que d’eau claire ! — N’est-ce pas une mauvaise chance d’être beau réellement et de s’entendre répéter Villain tout le long du jour ? — Ne trouvez-vous point une pire fortune encore d’être vilain de personne et Beau de par les registres de l’État civil ? — Quelles embarrassantes désignations que celles de Legrand pour un tout petit homme, et de Petit pour un géant ! — Je connais un malheureux Bienaimé que les gens de