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Ils ne l’ont pas osé !… Ils ne l’oseront pas ! !

Garde-toi, surtout, Prolétaire ! de marquer du stigmate de l’infamie ceux de tes frères qu’ils appellent les Voleurs, les Assassins, les Prostituées, les Révolutionnaires, les Galériens, les Infâmes. Cesse de les poursuivre de tes malédictions, ne les couvre plus de boue, écarte de leur tête le couperet fatal.

Ne vois-tu pas que le soldat t’approuve, que le magistrat t’appelle en témoignage, que l’usurier te sourit, que le prêtre bat des mains, que le sergent de ville t’excite.

Insensé, insensé ! ne sais-tu pas qu’avant d’abattre le taureau menaçant, le matador sait faire briller dans le cirque les derniers efforts de sa rage ? Et qu’ils se jouent de toi, comme on se joue du taureau, jusqu’à la mort ?

Réhabilite les criminels, te dis-je, et tu te réhabiliteras. Sais-tu si demain l’insatiable cupidité des riches ne te forcera pas à dérober le morceau de pain sans lequel il faudrait mourir ?

Je te le dis en vérité : Tous ceux que les puissants condamnent, sont victimes de l’iniquité des puissants. Quand un homme tue ou dérobe, on peut dire à coup sûr que la société dirige son bras.

Si le prolétaire ne veut pas mourir de misère ou de faim, il faut : ou qu’il devienne la chose d’autrui, supplice mille fois plus affreux que la mort ; — ou qu’il s’insurge avec ses frères ; — ou bien enfin, qu’il s’insurge seul, si les autres refusent de