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trée. Que chacun s’interroge et qu’il dise si c’est de gré ou de force qu’il supporte qu’un autre se proclame son maître et agisse comme tel.

Qu’il dise s’il ne croit pas valoir autant que tout autre.

Qu’il dise s’il est d’humeur à entretenir toujours des papes, des empereurs, des rois, des représentants, des monopoleurs, des médecins, des instituteurs, des juges, des journalistes, des tribuns, des directeurs, des dictateurs.

Qu’il dise s’il ne compte pas être délivré bientôt de tout cela.

Qu’il dise s’il ne comprend pas mieux ses intérêts que tout autre, et si c’est volontiers qu’il les remet à des mains étrangères.

Qu’il dise s’il n’est pas intimement convaincu que charité bien ordonnée commence par soi-même, et que son affaire passe avant celle des autres.

— Et je dirai à cet homme : tu as raison de faire passer ton intérêt avant celui des autres ; la nature te le crie.

Sache donc pourquoi ton intérêt particulier est toujours absorbé par un intérêt plus fort ; apprends enfin ce qui t’isole de tes semblables.

Et tu verras que c’est la substitution du signe à la chose, de la fiction à la réalité, de la monnaie au travail, de l’aumône à l’égalité, de la propriété à la possession, de l’héritage à l’usufruit, de l’encombrement à la circulation, du devoir au bonheur.

Il n’en était pas ainsi parmi les premiers hom-