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facultés ; un cœur bat dans ma poitrine comme dans la leur : rien ne m’empêche de penser aussi sainement qu’eux.

Les hommes de notre temps sont naturellement impressionnés par eux-mêmes et par les objets qui les entourent, de la même façon que le furent et le seront les hommes de tous les temps et de tous les pays. Comme eux aussi, la plupart s’arrêtent aux premiers pas, découragés par les difficultés de la recherche. Mais que l’un d’eux se pose la même question que s’est posé quelque grand philosophe, qu’il tienne à la résoudre avec la même obstination que lui ; et nécessairement il parcourra la même route que son prédécesseur. Comment en serait-il autrement, puisque, partant du même point, il tend au même but ? La distance de Londres à Liverpool a-t-elle changé depuis que les chemins de fer ont remplacé les diligences ? Que cet homme marche avec plus d’hésitation, qu’il fasse plus de détours que le premier ; qu’il ait moins de précision, moins de grâce et de génie, toujours est-il qu’il suivra l’éternelle direction de la pensée humaine, lorsqu’elle s’applique à une œuvre quelconque ? Entre ces deux voyageurs, la différence viendra surtout de ce que le temps aura modifié la nature du chemin à franchir, augmentant certains obstacles, diminuant certains autres, renversant les anciens, en créant de nouveaux.

Ainsi je suis dans le vrai, et aussi dans mon droit, en ne me croyant ni supérieur, ni inférieur