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Tant pis pour ceux qui troublent de leurs regards jaloux la quiétude des bibliothécaires ! L’extrême érudition est le plus grand fléau de notre époque. Nos contemporains ne savent dire leur opinion sur rien : ils citent. Ne leur demandez ni un sentiment vrai, ni un style original, ni une appréciation propre : ils citent. Ne les suppliez pas de ne plus répéter en grec et en latin ce que l’on trouve à chaque page dans les livres modernes : ils citent. Les hiéroglyphes orientaux sont surtout à la mode ; il ne s’agit pas que le public comprenne : on cite. Épier une citation, la saisir aux cheveux, la traîner défigurée sur une feuille de papier 27 blanc, voilà le plus grand mérite des auteurs français contemporains. C’est plus commode et plus savant.

Ouvrez n’importe quel livre, et les citations en formeront la meilleure partie. Je ne sais vraiment lequel de l’imprimeur ou de l’auteur fait preuve en ce temps-ci de plus d’intelligence. Nous sommes atteints d’un rabâchage endémique. De grâce, laissons aux autres ce qu’ils ont dit. Si nous ne savons que les reproduire, réimprimons-les, et ne nous fatiguons pas à les copier à la main. Comment l’école frrrançaise surtout, la plus illustre de toutes les écoles, peut-elle s’abaisser à ce métier d’écrivain public ?

Je me dis que, si en réfléchissant, observant et comparant, d’autres ont pu se rendre compte de la nature des choses, je puis y arriver aussi. Car je suis fait comme eux ; je suis doué des mêmes