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l’exil, s’ils n’ont pas le bonheur d’y trouver d’occupation, et s’ils ne s’identifient pas à ce nouveau milieu. Sans cesse en rapport les uns avec les autres, n’offrant cependant pas assez de diversités pour former une société complète, rendant tous la même note, vivant sous l’empire des mêmes pensées, obéissant aux mêmes mobiles, ils ne peuvent pas s’accorder. Bientôt, ils s’aigrissent, s’accusent réciproquement d’avoir été la cause de divisions inévitables, et puis, la tristesse et le malheur aidant, ces haines s’enveniment chaque jour.

Quelle bonne fortune pour ceux qui ont la prétention de conduire les autres, et ils ne manquent jamais ! On exagère des torts sans gravité, on fait naître des sujets de discorde ; et puis on enrégimente les mécontents. On se figure alors que la France a les yeux tournés vers Londres, et que son pouls s’accélère à chaque tempête que l’on déchaîne dans un verre d’eau.

Je n’ai jamais pu comprendre comment quelques hommes de talent employaient leur vie pour recruter quatre ou cinq partisans qui passent la leur à les démolir. Si l’autorité est odieuse à la tête des grands États, au moins ne manque-t-elle point de grandeur. Tandis que, dans l’exil, elle est ridicule, jésuite, mendiante, et rapetisse toujours l’homme qui cherche à s’en emparer en vain.

Toutes ces causes réunies font que la voix indépendante qui désire être écoutée dans un pareil milieu est de suite et par tous moyens étouffée.