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pour qui je suis, et j’affirme que tout homme de bonne foi se reconnaîtra dans ma confession, que j’achève ainsi : « Je lutte parce que cela me convient ; je fais du socialisme parce que tel est mon plaisir ; je suis 23 hors de France parce qu’il me serait insupportable de vivre sous le régime du fer et de l’argent. »

Que ceux qui ne comprennent point l’utilité de ces lignes, ferment ce livre. Que ceux qui les trouvent dégoûtantes de cynisme, le déchirent. Que ceux qui n’ont d’opinion que par autrui, le traduisent, comme les précédents, devant les tribunaux démagogiques. Que ceux à qui mon nom fait horreur, le brûlent. Que ceux qui aiment la franchise, le parcourent. Il n’en ira ni plus tôt ni plus tard où vont toutes choses, au grand tas.

Ces aveux faits, personne, j’imagine, ne m’accusera d’hypocrisie : cela me suffit. Qu’on m’appelle ensuite sage ou fou, qu’importe ? Il n’est pas un homme actif duquel on n’en puisse dire autant. Le diplomate muet, l’ouvrier fainéant et le crétin des Alpes ont seuls droit ici-bas à l’approbation générale. Toutes les fois que l’homme fait œuvre de ses dix doigts, il ne sait pas s’il prend le chemin de Bicêtre ou celui du Panthéon ; cela dépend de la disposition d’esprit de ses contemporains. Quand on s’appelle Salomon de Caus ou Monsieur Duverrier, il faut s’attendre à tout. Pendant sa vie, on n’est assuré ni contre le cabanon, ni contre le fauteuil académique ; tous les jours on est exposé à recevoir un pavé ou une décoration.