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raient dans l’aride voie politique, car bien peu aiment le travail pour le travail, la lutte pour la lutte, et la science pour elle-même.

Et parmi ces derniers, ne s’en trouvera-t-il jamais un qui ose dire aux autres : « Je suis homme, ni plus ni moins, et je prétends rester à ma place avec mes qualités et mes défauts. Je vous parle parce que c’est une conséquence de ma libre expansibilité ; je ne le fais pas par amour pour vous, mais pour ma satisfaction personnelle. Écoutez ce que j’ai à vous dire, et taxez-le ; je ne vous demande que cela. Tant mieux si j’ai pu vous être utile. Dans tous les cas ; j’aurai été agréable à moi-même ; le reste est secondaire. »

Eh ! bien, non ! l’homme s’estime trop peu pour estimer ses semblables, il est trop peu libre pour tenir le seul langage qui convienne à une créature indépendante. L’homme vraiment fier est bien autrement rare que l’homme de talent. Il n’y a peut-être personne qui ne sacrifie sa dignité personnelle à la faveur publique.

L’auteur transige avec la rudesse de ses convictions pour les accommoder à la tiédeur du public ; le candidat ment à ses électeurs, les représentants aux représentés ; le chef de parti se fait l’esclave de ses séïdes, et devient plus misérable qu’eux. L’opinion ressemble à une coquette que tous les hommes courtisent, qui se laisse toujours prendre au plus dissimulé, et qui souffre cruellement lorsqu’elle a prodigué ses faveurs.

Quant à moi, je ne crains pas de me donner