Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/80

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le temps et le milieu social, il n’y a dans le fond qu’un nombre de types fort limité ; et quatre ou cinq passions, toujours les mêmes, se disputent notre cœur.

J’ai observé en anatomiste bien des hommes au talent envié, à la réputation éclatante, idoles et drapeaux des partis ; je les ai vus tous, à quelque opinion qu’ils appartinssent, s’humilier et mentir pour arriver au pouvoir.

Jésuites, me suis-je écrié bien souvent dans mon indignation ! À bas votre robe d’apôtre ! elle est percée à jour. Osez dire une fois que vous ne vous dévouez pas, que vous ne vous sacrifiez pas, que vous ne souffrez pas. Avouez enfin que vous posez ; que vous avez soif de gloire et d’autorité, comme la terre a soif de rosée et de pluie. Ne parlez pas des privations que vous endurez, des 22 douleurs de l’exil, de la prison, des fatigues du corps et de l’âme, des veilles pénibles, et des grandes journées qui dévorent la vie.

Car je vous répondrais : Qui veut la fin veut les moyens. Et je vous montrerais le limier suivant la chasse furieuse à travers les ronces et les épines, comme vous poursuivez la puissance à travers les luttes de sang, les morts, les émeutes et les coups d’État. Tant d’ambitions se croisent à la surface de notre pauvre monde, qu’elles doivent se barrer le passage et se prendre à la gorge. Alors, à la guerre comme à la guerre, et malheur aux vaincus ! Si les hommes d’aujourd’hui étaient doués de plus de perspicacité, bien peu s’engage-