Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.

partout. Sortez l’homme de lettres de sa patrie, de sa ville, de son cercle familier : il mourra de faim ; il ne trouvera pas même de leçons à cinquante centimes.

Frappe le fer, ami, et que, plus rapides que mes heures de solitude, s’écoulent tes heures de travail !

À mesure que l’homme avance en âge, il disserte davantage sur l’amitié, mais il la connaît moins. Le vieillard n’a plus d’amis que parmi les morts ou parmi les vivants dont le pied trébuche au bord de la tombe. Pour les hommes mûrs, l’amitié n’est qu’un mot de convenance, l’ajustement de deux intérêts, l’association d’un supérieur et d’un inférieur.

L’amitié n’est possible qu’entre hommes libres et dégagés des intérêts civilisés qui divisent d’autant plus qu’ils semblent rapprocher davantage. Dans toute autre condition, c’est le voile qui cache le fripon, le filet qui saisit la dupe, le purgatoire d’une société dont la famille est l’enfer.

L’amitié des jeunes hommes est ardente. Chez eux, la voix des sympathies n’est pas étouffée par le tintement du métal, et l’anguleux présent ne leur dérobe pas les formes vaporeuses de l’avenir. Leurs corps sont vigoureux, leurs âmes enthousiastes. Leurs passions hardies les emportent aux pieds de la maîtresse ou dans les bras de l’ami qui leur donneront le bonheur.

L’amitié est chère au cœur des proscrits, car