Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.

par un homme sain de corps et d’esprit, lui est plus profitable que des milliers de volumes aux habitués des bibliothèques. Je ne sache guère que les rats qui s’engraissent en grignottant de la littérature.

C’est ainsi que l’ouvrier laborieux acquiert ses idées sur la justice, le contrat social, le travail et les richesses. Et comme son esprit est dégagé d’intérêts, comme il met plus en jeu son jugement que sa mémoire, il ne se contente pas de moitiés de solutions. Il ne craint pas de proclamer les négations et les affirmations les plus hardies. Ne lui parlez pas de doute et d’opportunité ; il ne connaît pas ces considérations qui tourmentent les grands politiques. Et si l’amour de la science l’entraîne, il a, dans l’étude raisonnée du présent, une méthode sûre pour remonter le cours des siècles.

En ce moment je peins l’idéal, l’arc-en-ciel aux brillantes couleurs. Cet ouvrier, c’est l’exception. Mais, quoi qu’il en soit, c’est au milieu du bruit des imprimeries et des fabriques, c’est dans le silence des mansardes que se préparent les précurseurs. L’instinct de conversation a semé la science et la révolte parmi les classes ouvrières.

Quand on s’est ainsi rendu compte de l’instruction de l’ouvrier, qui est la bonne, parce qu’elle se fait sans maître et par une découverte continuelle, on ne sait ce que l’on doit admirer le plus, ou de l’outrecuidance ou de la stupidité des avocats et des journalistes. Ils se prétendent nés pour