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Frappe le fer, ami, et que, plus rapides que mes heures de solitude, s’écoulent tes heures de travail !

L’Europe est peuplée ; et partout les muscles et le cerveau des hommes sont tendus sur la matière qu’ils animent. Pas un coin de terre vierge, pas une fissure de rocher qui ne soit explorée, pas un filet d’eau qui ne fasse tourner une roue d’usine. De toutes parts le métal fond et se tord, le marteau résonne, le charbon brille, la lime grince, le verre s’étend sur un enfer de feu. L’homme audacieux a sondé la virginité des abîmes de l’Océan et les mystérieuses solitudes de l’atmosphère. Les éléments se sont inclinés sous sa volonté toute-puissante ; l’air, la terre et l’eau, transmettent ses décrets absolus.

Salut, Industrie, souveraine du xixe siècle ! Salut ! déesse à la peau sombre, aux traits sévères, mère de gloire et d’activité ! Salut ! tu ne demandes pas d’autels à la superstition, tu ne plonges pas tes bras dans les entrailles d’innocentes victimes. Devant ta majesté, l’homme relève fièrement la tête, et ne fléchit plus le genou. Il peut t’adorer sans cesser d’être homme, grand, fort, libre, comme il était à son origine.

Salut, travailleurs ! modernes titans dont les larges mains bouleversent les mondes, dont les robustes épaules impriment des oscillations aux continents ! À vous l’air qui passe, le feu dérobé à l’âme du soleil, l’Océan qui, d’un pôle à l’autre, recule épouvanté.