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À Naples, les Lazzaroni s’étendent sur les dalles des palais ducaux et se frottent le ventre au soleil en dînant d’un verre d’eau et d’un quattrino de macaronis. — Je suis Lazzarone.

Il vit en Suisse et en Allemagne des gens sans foi ni loi, sans droit et sans devoirs, dont aucun ne connaît l’origine, et qui paraissent perdus au milieu des autres hommes. On les dit Hématloses. — Je suis Hématlose.

— Encore, si je pouvais, comme tous les gens sans foyers, passer le jour à l’ombre des forêts, et la nuit aux belles étoiles, sur les bords fleuris des ruisseaux ! Mais j’ai été élevé dans le bien-être, comme les petits de l’épicier.

Partout il y a des êtres auxquels promenades, musées, cafés et théâtres sont interdits, parce que la cruelle misère rit sous leurs habits à jour. S’ils se montrent sur les places, tous les regards sont tournés vers eux ; la police leur défend l’abord des lieux à la mode[1]. Et plus fort que la police, leur légitime amour-propre 292 s’offense d’être l’objet de la répugnance générale. — Je suis de ces êtres-là.

— Oh ! la misère bourgeoise, sombre comme un prolétaire de Whitechapel, la misère en paletot luisant et en bottes éculées, la misère qui porte cravate longue et peu de chemise, et qui ne rit jamais, et qui n’ose pas pleurer ! la misère

  1. Cela se passe ainsi à Londres, aux théâtres de Her Majesty, de Covent-Garden et de Drury-Lane.