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errants, de vrais loups. En apparence ils troquent des chevaux, mais personne ne sait trop le métier qu’ils font, et la rumeur publique les accuse de sorcellerie. Mortels fortunés ! on ne les juge pas dignes d’être soumis aux lois des Espagnes. Ils vivent et se marient à leur façon. Au milieu de la civilisation, 291 ils passent, dressant leurs tentes sur les lisières des forêts. Les portes de toutes les demeures leur sont fermées, au hameau comme à la ville. Une réprobation générale pèse sur leur race ; on ne sait d’où elle vient ni où elle va. On nomme ces hommes Gitanos. — Je suis Gitano.

Dans les montagnes de l’Écosse et de la Norwège, parmi les genêts de l’Angleterre et de l’Irlande, campent des tribus de sorciers qu’ont fait parler les divines voix de Shakespeare et de Walter Scott. Ils dansent au milieu de bruyères, allument de grands feux de houx et d’asphodèles, et quand vient la nuit, évoquent sous la pâle lune les esprits de l’abîme. On les appelle des Gypsies. — Je suis Gypsy.

On voit dans Paris de chétifs gamins qui se cachent tout nus, en plein hiver, sous les ponts du canal, et plongent dans les eaux sales où le badaud leur jette un sou. Ils vont sans chaussures, sur l’asphalte des quais et des boulevards ; ils n’ont d’autre abri que les auvents des toits et les portes cochères. Leur industrie consiste à faire le foulard avec souplesse et à changer de cigare, sous prétexte d’allumer. Ce sont les Bohémiens. — Je suis Bohémien.