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289 Je suis sans profession, comme les repris de justice et les mendiants que la police poursuit par les rues. Je hais le public, cet affreux Briarée qui étend ses mille bras sur l’homme professionnel et imprime le sceau de la propriété sur sa face chagrine. Je le fuis parce que plus de mille fois en quatre ans, et de nuit et de jour, il est venu m’arracher à mes travaux, à mes plaisirs, à mon sommeil, et qu’il ne m’a jamais payé qu’en injures. Je suis indépendant de tous, comme cela me convient ; et tous sont indépendants de moi, comme cela convient à tous. Je travaille à l’heure et sous l’impression qui me sont favorables. Malheureusement, nous vivons dans un temps où des occupations comme les miennes ne procurent pas le moyen de vivre,… quotidienne bien que prosaïque nécessité ! Mes parents ne laissent jamais partir une lettre sans me le faire observer.

Qui suis-je encore ? — Royaliste, impérialiste, constitutionnel ?… J’ai laissé sur le seuil du collège cette avilissante habitude qu’on cherche à nous y faire prendre, de fléchir le genou devant un maître. — Républicain, démocrate ?… Pas davantage. Je me suis expliqué et je m’expliquerai bien plus complètement encore sur ce que j’entends par cette terminaison cratie qui me semble toujours entraîner après elle un effrayant bruit de chaînes et une horrible odeur de potence. — Socialiste ?… Moins encore, à la façon dont les bourgeois et les communistes l’entendent. Je n’ai jamais pu m’incliner devant un chef d’école ou un