Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/484

Cette page a été validée par deux contributeurs.

migrations humaines qui amenèrent successivement sur vos bords le Hun basané, horrible à voir ; les géants aux yeux verts, Goths, Teutons et Cimbres ; les Francs, habiles à manier la framée ; les Vandales pillards, les Bourguignons civilisateurs, les Romains conquérants ; Annibal, Jules-César, Attila, Napoléon, fléaux de Dieu. Vous nous rediriez le long martyre de Bonnivard, l’apothéose de Calvin, la bonhomie de Gibbon, les pensées de madame de Staël, les derniers soupirs de Calame, les grands désespoirs de l’immortel Byron. Tous les artistes, tous les malades, tous les hommes libres ont aimé les bords du Léman.

Suisse bien-aimée ! pourquoi m’as-tu banni ?

Léman aux grandes joies, aux terribles angoisses, tu reflètes le firmament et les astres, et tu permets aux myosotis et aux phalènes de se regarder dans ton miroir ; tu es bon comme tout ce qui est beau, comme tout ce qui est fort ! Je voudrais revenir à ces temps où la colère des Dieux métamorphosait les hommes en fleuves et en fontaines, temps des amours d’Alphée, jours de joie d’Œsacus. Je voudrais être le fiancé des eaux comme les doges de Venise, et jeter dans le Léman mon royal anneau de promesses !

Suisse bien-aimée ! pourquoi m’as-tu banni ?