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emplissons, retournons ces coquilles de noix. Nous avons revêtu notre robe noire, nous sommes irritées, nous sommes fortes, nous ne souffrirons plus ni les bateaux des hommes ni les regards des astres. Nous inonderons tout, nous nous briserons contre la Création plutôt que de nous soumettre encore. » — Pauvres vagues ! ainsi parlent les hommes quand ils se soulèvent, et cependant l’Émeute aux mille têtes se rendort bientôt. Ainsi parlent les Vaudois à cette heure même ; ils prétendent qu’ils nous garderont malgré leurs gouvernants. Ils se trompent comme les vagues soulevées. L’emportement de la force échoue toujours contre la persistance de l’hypocrisie. Le rusé matelot laisse battre sa nacelle par les lames jusqu’à ce qu’elles aient épuisé leurs forces, et qu’il puisse leur commander de nouveau.

286 Suisse bien-aimée ! pourquoi m’as-tu banni ?

D’où venez-vous, mes vagues bleues ? Qui vous a rassemblées, pauvres prisonnières, dans ce froid cachot ? Êtes-vous les pleurs de la rosée des nuits ? Êtes-vous les pluies du ciel et de l’orage ? Êtes-vous la sueur des grands squelettes qui plient sous le poids de la lourde Europe ? Êtes-vous le parfum condensé des fleurs, la sève des arbres, la vie de la terre ? Êtes-vous le réservoir de toutes les flaques de sang versé dans les batailles, clarifié par les rochers ? Si vous pouviez parler, belles vagues, vous nous dévoileriez les mystères des temps, vous raconteriez les grands combats livrés depuis Divicon jusqu’à Dufour, vous rediriez les