minent. Ineffable bonheur ! Je plains l’homme qui ne sait pas répondre aux agaceries des vagues étoilées par le ciel, et qui n’entend pas leurs mille voix caressantes. Moi je les comprends, je les aime. Mes bains de minuit, mes caresses au Léman, qui me les rendra ?
Suisse bien-aimée ! pourquoi m’as-tu banni ?
Belles eaux si claires, pour vous voir de plus près, je plonge, j’ouvre mes yeux bien grands. Aussi profondément que je puisse descendre, vous êtes vertes comme si vous reflétiez un fond d’émeraude. À mesure que je remonte, vous devenez bleues, et puis argentées, et puis dorées par les feux de la lune. Ainsi la vie de l’homme, quand d’amères vicissitudes n’en troublent point la régulière évolution. D’abord, l’espérance infinie, puis le divin amour, puis l’ambition qui attriste nos jours comme autant de crépuscules.
Suisse bien-aimée ! pourquoi m’as-tu banni ?
Par les temps d’orage, ô vagues capricieuses, vous voilà noires ou grises, vous écumez de fureur ; vous vous poursuivez et vous blessez, folles comme les hommes qui se tuent dans les batailles. Moi je vous fends encore de ma poitrine que vous connaissez, j’étends les bras sur vous, et je vous dis : vagues, que vous êtes laides ainsi, animées par le démon de la discorde. C’est assez, c’est assez. Allez vous étendre sur le sable doré de Villeneuve et de Cully ; laissez les brises du Valais essuyer l’écume de votre visage ; dormez en paix l’un près de l’autre, comme des sœurs