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porte son sang et sa tête dans tous les pays où l’on combat pour l’indépendance.

Tandis qu’ils perdent la vie sur les champs de bataille, l’étudiant français consume sa jeunesse dans les tristes estaminets ou dans les insipides réunions du grand monde. Sa liberté précieuse, il en fait bon marché ; il est avide d’esclavage, il court au-devant du joug 264 qu’on lui prépare. Ne cherchez pas à le distinguer du commis de boutique par l’excentricité de son costume, ou du surnuméraire par l’excentricité de ses mœurs : il met son orgueil à passer pour un fonctionnaire ou un boutiquier. Ne lui demandez pas quelles sont ses opinions politiques : il pense comme la bonne société ; ni ses opinions scientifiques : il suit les cours de l’École ; ni ses goûts : il observe les modes ; ni ses amours : ce mot-là le fait sourire. Il paie régulièrement sa femme, son propriétaire et ses inscriptions ; il aime confortablement, il déjeune de thé, il fume le cigare par genre et la pipe par économie, quand il n’attend pas de visites. Il a son appartement à l’entresol, il le meuble dans le dernier genre, il étale autour de sa glace des cartes d’apprentis diplomates, d’officiers du génie, de lieutenants de marine et d’élèves de l’école polytechnique. Sa plus grande ambition est d’être admis chez son député. Il reçoit ; il porte des gants, un parapluie, un chapeau incroyable, des chaussures vernies et des cartes glacées. Une fois par mois il prend un cabriolet de régie pour faire la revue de ses connaissances. Ses manières sont