C’est le soir qu’ils s’assemblent, et leurs réunions se prolongent fort avant dans la nuit. Pour eux ce sont autant de solennités. Le kneip, c’est la vie de l’étudiant suisse. Il y vient en grande tenue, casquette et écharpe de rigueur, pipe historiée et belle blague à la boutonnière, dissertation en poche.
L’ameublement consiste en une longue table littéralement couverte de choppes, de bouteilles de vin blanc et de bière. La soirée est divisée en cinq ou six actes dont chacun comporte un exercice spécial. Le règlement et le programme des séances sont religieusement observés. Le tavernier seul se permet d’interrompre de temps à autre par des questions d’économie domestique et des réflexions plus ou moins bien placées. Comme le président parle latin, le tavernier, qui ne comprend pas cette langue, est bien certainement le membre le plus turbulent de l’assemblée.
À Heidelberg, à Berne ou à Lausanne, c’est toujours le démon de la révolte qui travaille ces jeunes têtes protestantes, excentriques et raisonneuses. Les descendants de Jean Hus, de Zwingli, de Luther et d’Œcolampade sont de la même race, de celle qui brise les théocraties tyranniques et ne peut vivre sans travailler suivant ses goûts, sans croire suivant sa raison. Ce sont eux qui, dans le commencement du siècle, soulèvent l’Allemagne entière contre la domination française ; ce sont eux encore qui créent de nos jours la légion académique de Vienne, héroïque phalange, qui