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taires d’attaquer la propriété et pour respecter les biens des privilégiés en temps de révolution. Si vous voulez vous pénétrer de l’égoïsme des hommes, faites de la médecine : au bout de six mois, je sais bien ce que vous penserez de la doctrine du dévouement.




Dans toutes les professions, le salaire est avilissant, pénible à demander, à donner et à recevoir. Ainsi, deux hommes sont liés par une chaîne d’argent qui les contraint de se souvenir constamment et désagréablement l’un de l’autre. Mais en médecine, le salaire est encore plus odieux qu’en toute autre profession. Il me semble qu’entre l’homme qui souffre et celui qui l’assiste dans sa souffrance, il doit s’établir des rapports d’amitié et de sympathie tout à fait incompatibles avec l’idée de salaire. Je sais, pour ma part, que tous les malades que j’ai soignés, dans les hôpitaux comme en ville, m’ont toujours été chers parce qu’ils tournaient vers moi des regards d’espérance. Parce que je faisais la médecine par attrait, je ne prétends pas être plus méritant que ceux qui la font par devoir ; je les plains seulement parce qu’ils ne sont pas nés médecins et que jamais ils ne recueilleront pendant toute leur vie tant d’impressions agréables que j’en ai éprouvé en quelques années.

Je n’ai jamais été surpris que mes malades me payassent d’ingratitude : cela est naturel. L’homme