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breuses lettres de France. Les représentants du peuple proscrits, les gouvernants du canton de Vaud, les médecins de l’hôpital, tout ce qu’on appelle les notabilités enfin, m’honoraient de leur considération : j’étais entouré de cette sorte d’estime bête que le public accorde d’office à tout homme exerçant une profession dite libérale. Les bibliothèques m’étaient ouvertes, la clientèle venait bien, ma réputation médicale était au-dessus de ma valeur, parce que je venais de loin et que j’avais eu le bonheur de réussir dans les premières cures entreprises.

De cet ensemble de circonstances favorables étaient résultés : pour mon intérieur, une aisance relative ; pour mon avenir, une grande insouciance ; et pour mon esprit, un calme dans lequel je me complaisais. Notre cœur est si étroit qu’il suffit à peine à contenir 255 nos préoccupations présentes et le soin de notre propre personne. Cela déplaît aux moralistes, mais cela est.

Pour résumer mes impressions sur ce temps-là dans une phrase éminemment comme il faut : j’étais aussi heureux à Lausanne qu’un homme puisse l’être sur cette terre où rien n’est parfait.




COMMENT J’EXERÇAIS LA MÉDECINE.


J’étais un bien singulier praticien quand j’avais droit de vie et de mort sur tous les Vaudois qui