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laissent pas prendre un pied chez eux ; ils en auraient bientôt pris quatre.

254 Mais ce n’est pas ici le lieu de dire aux gouvernements tout ce que j’ai sur le cœur.




Qui n’a rêvé une maison blanche, sur une pente verte ; au bas, un lac ; en haut, des forêts ; tout autour, des vergers, des troupeaux, des vignes et des routes ombreuses ; un bateau sur le lac, du gibier dans les bois, un chien et un cheval, un amour de femme dans le cœur ? J’ai réalisé presque tout cela à Lausanne, et j’y ai passé dix-huit mois que je ne me rappelle jamais sans regret.

Alors je croyais à la bienveillance de tous, à l’intimité de quelques-uns, au dévouement des chefs de parti, au prochain avènement de la république, à la sympathie des démocrates étrangers pour les proscrits. Je voyais Mazzini, Strüve, Willich, que je regardais comme des héros ; je caressais des milliers d’illusions que j’ai perdues depuis. Ce que j’ai souffert à gagner une triste expérience est resté mon secret. Quoiqu’il ait pu m’en coûter, j’aime mieux ne plus être aveugle. Un homme averti vaut deux hommes. — Voilà pour moi-même.

Quant à la société, tous rapports entre elle et moi n’étaient pas encore brisés. Je voyais quelquefois mes parents, des amis politiques nous visitaient de temps à autre ; Lausanne était devenue le Gand de la démocratie. Je recevais de nom-