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Grands et petits, gouvernants et gouvernés, tous sont de la fête ; on y conduit même les écoles publiques. Chacun s’efforce de préparer et d’embellir. Les sergents de ville et les gendarmes n’entrent pas dans le programme comme chez nous où les solennités publiques ne semblent faites que pour eux. Les assemblées populaires sont devenues pour les Suisses une nécessité de la vie ; la tribune est encore accessible à tous ; les manifestations, quelles qu’elles soient, peuvent librement déployer leurs couleurs. Les lumières ne sont cachées pour personne ; et quand le soleil se couche, on illumine la couronne des montagnes avec de grands feux de sapins.

Le peuple de ce pays s’est réservé le droit d’annuler les actes de ses gouvernants, de les casser eux-mêmes, aussi souvent que cela lui convient. Certes, exécutif ne fut jamais plus impuissant, plus serviteur, plus muselé que celui-là ; et M. Louis Blanc n’a pas inventé aussi bien que n’a réalisé la constitution vaudoise de 1845. Cela prouve une fois de plus que, de tous les gouvernements, le meilleur n’en vaut rien. En effet, ce que l’exécutif vaudois ne peut obtenir par la force, il l’obtient par la ruse. Dans ce pays-là, on achète un homme corruptible pour un verre de vin, et pour six mille francs de salaire, un exécuteur de Lausanne commet autant de turpitudes, que M. Bonaparte pour 25 millions, — sans compter les retours de bâton. — On n’enchaîne pas les gouvernements ; que les peuples s’en convainquent et qu’ils ne leur