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cette génération. Nous avons usé notre vie à la retenir sur le penchant de l’abîme ; il faut qu’elle y tombe et qu’elle y soit brisée. Cesse donc un travail inutile.

« Viens parmi nous, qui brillons de vigueur et qui grandissons parmi les enfants des générations prochaines. Dépouille le vieil homme, rejette loin de toi les études répugnantes, brise avec cette science décrépite.

« Hâte-toi de mourir, nous te recevrons, tu seras de nos jeux et de nos fêtes, tu développeras tes facultés par une éducation pleine d’attrait, tu connaîtras le bonheur dont tu peux à peine parler. Hâte-toi de mourir afin de prendre part, sous une nouvelle forme, aux grandes luttes que l’humanité prépare. »

Je connais ces voix ; elles ne viennent pas de ce petit monde. J’ai fréquenté dans celui-ci ceux qu’on répute les plus libres et les plus fiers, et j’ai trouvé qu’ils rampaient un peu plus habilement que les autres. Je me suis convaincu que leur amitié était mensonge ; leur dévouement, mensonge ; et qu’ils étaient beaucoup plus altérés de pouvoir que de liberté. Mes amis sont parmi les morts.

Et je réponds à leurs voix : « Morts que j’admire, mes jours sont comptés, je vous rejoindrai bientôt. La révolte en masse conduit à la condamnation en masse ; quand tant d’hommes répondent d’un crime, la mort n’atteint personne. J’ai déjà subi la condamnation 240 en masse. — J’en suis maintenant à la révolte isolée qui amène la mort