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nous serons honorés ou persécutés, vainqueurs ou vaincus dans la lutte sociale.

Heureux ceux qui meurent pour la Justice et la Vérité !

Heureux ceux que la rage ou l’adulation des partis ne vont pas déterrer ! Heureux ceux qui sont restés maîtres d’eux-mêmes pendant leur vie ! Ils ne seront pas troublés dans leur mort.

Heureux toi, Montcharmont, qui secouas la poussière de tes souliers sur le seuil de notre société.

Heureux toi, qui mourus pour ta propre cause, qui t’armas, et tuas pour ce que tu crus juste, qui ne consultas personne pour le faire ! Tu fus un homme : nous ne sommes guère que des singes.

Heureux toi, esclave moderne, plus grand que Spartacus et plus grand que Louverture. Quand nos arrière neveux feuilleteront les pages de notre pauvre histoire, et qu’ils liront les grands noms de ces temps, ils souriront de dégoût. Mais ils s’arrêteront, pensifs, sur quelque relation ignorée qui rappellera les derniers moments du chasseur de Saône-et-Loire, et ils diront : celui-là fut véritablement le premier des hommes libres, et c’est de lui que date l’ère de l’émancipation individuelle !

Heureux toi, qui perdis la vie après avoir perdu la liberté. Je vous le dis en vérité, cet homme était un colosse au milieu de nous. Ce ne sont pas de pareils rebelles que les majorités laissent vivre ; ils sont trop droits pour ne pas attirer les regards de la foule et pour ne pas faire naître en elle le désir de se relever. Montcharmont vivant eût été