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cule. Une lutte s’engage entre lui et ses bourreaux, qui tentent en vain de lui faire franchir les degrés de l’échafaud.

» Dans cet affreux et indescriptible conflit d’un homme lié et garrotté qu’on mène à la mort contre deux autres, maîtres de tous leurs mouvements et exercés dans la pratique de leur hideuse profession, une marche de l’échelle se déplace, un vide se fait et le condamné vient, pour ainsi dire, s’incruster dans le bois, appuyé de ses pieds nus à l’un des montants et de ses robustes épaules à l’autre montant.

» D’une part, celui qui doit mourir tient bon et remplit la place de ses cris devenus sauvages de douleur et d’effroi ; de l’autre, les deux exécuteurs font des efforts inouïs, désespérés, pour soulever cette barre de chair et d’os, qui résiste et semble à chaque secousse s’enfoncer plus avant dans les deux ais parallèles.

» Et ces trois êtres demeurèrent ainsi soudés les uns aux autres, mêlant leur sueur et leur sang, pendant cinquante-cinq minutes, sous les yeux de la foule pétrifiée d’horreur et d’épouvante.

» Tout, jusqu’à la police, refusa son concours aux exécuteurs à bout de moyens et de forces.

» Cette monstruosité, sans nom jusqu’ici, ne pouvait se prolonger davantage sans danger pour la tranquillité publique. On le sentit, et le patient fut ramené dans son cachot pour n’en ressortir qu’à l’arrivée de l’exécuteur de Dijon que le procureur de la République venait de mander en toute hâte.